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Premièrement,
le mérite des dix premiers jours de Dhoul-Hidjdjah
Les dix premiers jours sont les meilleurs jours de l’année. Il n’existe pas de jours au cours des quels les bonnes œuvres sont plus méritoires que ces dix jours. De nombreux hadiths authentiques attestent leurs mérite. Parmi les plus authentiques et les plus répandus figure le hadith suivant cité par al-Boukhari dans son recueil authentique (n°969) d’après Ibn Abbas (p.A.a) selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : « Il n’existe pas de jours au cours des quels l’accomplissement d’une bonne œuvre soit plus méritoires que ces jours.- «Même le djihad? »- lui a -t-on dit ? »-« Même le djihad, à moins qu’il soit mené par un homme qui y sacrifie sa personne et ses biens de sorte à y laisser tout» A-t-il répondu.»
Quant au jeûne, il relève des bonnes œuvres. Des hadiths l’attestent particulièrement. Il en est celui cité par Abou Dawoud dans ses Sunan (n°2436) et par an-Nassaie dans ses Sunan (n°2417) d’après l’une des épouses du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) selon laquelle ce dernier jeûnait les neuf premiers jours du 12e mois lunaire. Ce hadith est jugé authentique par Cheikh al-Albani dans Sahihi Sunani Abou Dawoud (2106).
Deuxièmement,
existe-t-il des occasions justifiant la recommandation du jeûne de chacun des neuf jours?
S’agissant des propos du cher auteur de la présente question concernant l’existence d’une occasion justifiant la recommandation du jeûne de chacun des jours, ils n’ont pas été reçus du Prophète (Bénédiction e salut sur lui) à travers une chaîne de transmission sure. Les hadiths auxquels il a fait allusion figurent parmi les hadiths apocryphes qui tournent au tour du sujet. Ils sont tous mensongers. Aucun n’en est vérifié. En voici l’explication :
Le premier hadith est cité par ach-Chadjari dans al-Amali (1651) en ces termes : Abul Qassim, Abdoul Aziz ibn Ali ibn Ahmad al-Azdji, nous a informé à travers un texte dans lequel j’ai lu : Abou Bakar, Muhammad ibn Ahmad ibn Muhammad al-Moufid dit : Ahmad ibn Abdourrahman ibn Saad al-Qourachi nous a raconté : Isaac ibn Souwayd nous a raconté : Dawoud ibn Souleymane ibn Aly nous raconté d’après son père, Souleymane ibn Aly qui le tenait de son père selon lequel Ibn Abbas (p.A.a) a dit : « La première miséricorde qu’ Allah fit descendre sur terre eut lieu le 29 Dhoul Qaada. Celui qui jeûne ce jour aura fait un jeûne égal à celui de 60 ans. Ibrahim al-khalil (paix sur lui) naquit au premier jour de Dhoul Hidjdjah. Et Allah accorde à celui qui jeûne ce jour l’équivalent de toute la récompense accordée à Ibrahim (paix sur lui). Allah le Puissant et Majestueux a révélé les Psaumes à David (paix sur lui) au 7e jour de Dhoul Hidjdjah. Celui qui jeûne ce jour aura bénéficié d’un pardon égal à celui accordé à David (paix sur lui). Allah a débarrassé Job (paix sur lui) de sa maladie au 9e jour de Dhoul Hidjdjah, journée d’Arafah. Le jeûne de ce jour équivaut à celui de toute l’année en cours et l’année à venir. Allah a exaucé l’invocation de Zacharie (paix sur lui) au cours de la première nuit de Mouharram. Celui qui jeûne le lendemain aura son invocation exaucée par Allah comme Il l’avait fait pour Zacharie (paix sur lui)
Sa chaîne de transmission est fabriquée car elle comprend Abou Baker Muhammad ibn Ahmad ibn Muhammad al-Moufid à propos duquel adh-Dhahabi ecrit dans son ouvrage intitulé al-Mughni fi adh-dhuafaa (5260) : « Il est unanimement jugé faible et suspect. » Il ajoute dans Mizaan al-iitidall (7158) : « Il est suspect. ».
Sibt ibn al-Adjami écrit dans al-Kashf al-hathiith (610) pour commenter les propos d’ah-Dhahabi : « Ses propos confirmant ceux d’al-Badji : « Il est suspect » peuvent signifier soit que le concerné ment, soit qu’il invente (des hadiths). »
Quant à son maître, Ahmad ibn Abdourrahman al-Qurachi, je n’ai pas retrouvé sa biographie. Peut être s’agit-il d’Ahmad ibn Abdourrahman as-Saqati, l’un des maîtres d’Abou Baker al-Mufid et dont la biographie a été reprise par adh-Dhahabi dans al-Mughni fii adh-Dhuafaa (345) puisqu’il y écrit : Ahmad ibn Abdourrahman as-Saqati, maître d’al-Mufid est un inconnu. Il a rapporté un faux hadith de Yazid ibn Haroun. On y trouve encore : « Dawoud ibn Souleyman ibn Ali est un inconnu. Personne n’a retracé sa biographie. » On y trouve également : « Souleyman ibn Ali ibn Abbas est un inconnu. »
Ibn Hadjar écrit dans Tahdhib at-Tahdhiib (361) : « Je dis à propos de Souleyman ibn Ali ibn Abdoullah ibn Abbas ibn Abdoul Muttalib , le hachémite, qu’Ibn al-Qattan a dit : bien que noble pour les siens, on ne lui reconnait pas de compétence en matière de hadith. »
Le deuxième hadith est cité par ad-Daylami dans Mustanadul Firdaws (4381). As-Suyuuti en a reproduit la chaîne de transmission dans Az-Ziyadatou alaa al-Mawdhuaat (567) par la voie d’ad-Dulaymi. Voici ladite chaîne : « Mon père nous a informé en disant : Muhammad ibn Sahl as-Saiidi nous a informé en disant : Abul-Hassan Muhammad ibn Ahmad ibn Ibrahim connu sous le sobriquet de Ibn Chadi qui a dit : « Al-Fadhl ibn al-Fadhl al-Kindi nous a dicté : Muhammad ibn Sahl ibn al-Hussayn al-Attaar nous a raconté que Abdoullah ibn Muhammad al-Balawi a raconté qu’Ibrahim ibn Abdoullah ibn al-Ulaa a rapporté d’après son père d’après Zayd ibn Ali ibn al-Hussayn d’après son père d’après son grand -père qui le tenait de son père Ali ibn Abi Talib qui en a attribué le contenu à une haute source ceci: « Ibrahim naquit au cours de la première nuit de Dhoul Hidjdjah. Et le jeûne du lendemain expie les péchés d’une vie de 80 ans. Le pardon accordé à David lui fut communiqué au 9e jour du même mois. Et le jeûne de ce jour expie les péchés d’une vie de 60 ans.
Pour as-Suyuuti, Muhammad ibn Sahl avait l’habitude d’inventer des hadiths. La chaîne de transmission au sein de laquelle il figure ne comprend que des menteurs. On y trouve Ibrahim ibn Abdoullah ibn Barz dont la biographie a été retracée par adh-Dhahabi dans Mizan al-i’tidaal (120) dans lequel il cite cette appréciation d’ an-Nissaie : « Il n’est pas sûr. » Figure encore dans la chaîne Abdoullah ibn Muhammad al-Balawi dont la biographie a été retracée par adh-Dhahabi dans Mizan al-i’tidaal (4558) ouvrage dans lequelle il dit : « Selon Daraqutni , Muhammad ibn Sahl al-Attar était de ceux habitués à inventer des hadiths. » Le hadith est cité par al-Fitni dans Tadhkiatoul Mawdhuaat,p.119 où il dit : Muhammad ibn Sahl est un inventeur de hadiths.
Le troisième hadith est cité par ad-Dulaymi dans Musnad al-firdaws (7122) As-Suyuuti en a reproduit la chaîne de transmission dans Az-Ziyadatou alaa al-Mawdhuaat (565) par la voie d’ad-Dulaymi. Voici la version de ce dernier : « Abul-Fateh Abdoul Wahid ibn Ismail ibn Nagharah nous a autorisé à rapporter ceci : Abu Muhammad al-Hassan ibn al-Hussayn ibn Ali ibn Khashnam, le maître, a raconté d’après Abou Nadher, Muhammad ibn Ahmad ibn Souleymane at-Tastri d’après Muhammad ibn Mukhlid al-Attar d’après Abu Said Muhammad ibn al-Qassim ibn Muhammad ibn Islami d’après Muhammad ibn Tamim al-Firyan d’après Abdul Malik ibn Ibrahim al-Djiddi d’après ath-Thawri d’après Habib ibn Abi Thabit d’après Abdoullah ibn Babah qui le tenait d’Abdoullah ibn Massoud selon lequel le Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) a dit : « Ibrahim naquit le 1er jour du mois Dhoul-Hidjdjah. Le jeûne de ce jour vaut 70 années de jeûne. » Pour Suyuuti, ce hadith est inventé. Muhammad ibn Tamim est un malin menteur. Abu Nouaym l’a qualifié dans adh-dhuafaa (231) de menteur et inventeur de hadith avéré. Ibn Hayyan écrit dans al-Madjruhiin (1013) : « il invente des hadith. » Al-Hakim parle de lui, notamment dans son Suaalaatoul as-Sadjzi (137) en ces termes : « Il a faussement imputé au Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) plus de 10 000 hadiths. »
Le quatrième hadith est cité par As-Suyuuti dans Az-Ziyadatou alaa al-Mawdhuaat (569) par la voie d’ad-Dulaymi. Celui-ci dit : al-Midani nous a rapporté d’après Abou Baker ibn Bashran qu’Ibn Shahiin lui a dicté qu’Ahmad ibn Muhammad ibn Ikrimah an-Nassawi lui a raconté qu’Ahmad ibn al-Khoudar al-Marozi lui a raconté que Muhammad ibn Nasre ibn al-Abbas lui a raconté qu’Ali ibn Hudjer lui a raconté que Hammad ibn Amer lui a raconté que Zayd ibn Rafie a rapporté d’après Zuhri d’après Anas citant la haute source : « Quiconque jeûne le 8e jour recevra une récompense égale à celle accordée à Job suite à son épreuve. S’il y ajoute le jeûne de la journée d’Arafah, Allah le Puissant et Majestueux lui accordera une récompense égale à celle de Jésus fils de Marie. S’il s’abstient de manger au cours du jour de la fête jusqu’à son accomplissement de la prière, Allah lui accordera le cumul des récompenses reçues par tous ceux qui prieront ce jour. S’il meurt dans les 30 jours suivants, il aura le grade de martyr. » Pour Suyuuti, Hammad ibn Amer est un menteur. C’est lui qui incarne le défaut (majeur) de ce hadith. Ibn Maiin parle de lui en ces termes : « Hammad ibn Amer an-Nussaybi est un menteur qui invente des hadith. » Extrait d’al-Kamil d’Ibn Ady (415) An-Nassaie abonde dans le même sens dans ad-Duafaa wal-Matrokiin (136) puisqu’il y dit : « ses hadiths ne sont pas à retenir. » Al-Djozdjani enrichit dans ahwaal ar-ridjaal (321) : « Il proférait des mensonges inacceptables pour un homme lucide. » Ibn Hibban écrit dans al-Madjruhiin (240) : « Il attribue de faux hadiths à des rapporteurs sûrs.»
En somme, aucune occasion spéciale ne distingue les 10 premiers jour du 12e mois lunaire, comme l’évoque l’auteur de la présente question. Les hadiths évoqués ne sont que des mensonges imputés au Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui). Cependant, le mérite des jours en question et le mérite d’y accomplir une bonne œuvre, notamment le jeûne, s’attestent dans des hadiths authentiques. Encore que l’attribution d’un mérite à un jour n’implique pas qu’il a coïncidé avec un quelconque évènement ou occasion puisqu’il suffit qu’Allah a tout simplement préféré le jour à d’autres.
Allah le sait mieux.
