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Quand le mari disparait sans laisser de traces, qui doit assurer la prise en charge vitale de son épouse?

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Date de publication : 09-09-2017

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Question

Que doit faire une femme abandonnée par son mari alors qu’elle tient au mariage? Ce que je veux dire est que le mari en question est disparu depuis un an sans laisser de traces et sans laisser à sa femme le moyen de survivre. Sa belle famille est -elle obligée de la prendre en charge. Quoi qu’il en soit, l’épouse veut se remarier maintenant. Mais comment le faire alors qu’elle ne peut pas obtenir le divorce de son mari disparu?

Texte de la réponse

Louange à Allah.

Louanges àAllah

Premièrement, quand le mari disparait de manière àce qu’on ne possède aucune informationportant sur son lieu de résidence, l’épouse doit se référer au cadi qui lui fixe un délai déterminéau-delàduquel on ne croit pas qu’il puissesurvivre selon son appréciation. Si le délai expire sans qu’on retrouve ses traces, on le juge mort. Sa femme peut alors observer un délai deviduitéde quatre mois et dix jours.Après quoi, elle sera autorisée àse remarier.

Si l’épouse connait le lieu de résidence de l’époux et que ce dernier l’abandonne durant le délai sus indiqué, le mari sera assimiléjuridiquement àun mort. Sa femme ou le tuteur de celle-ci doit auparavant écrire au mari ou porte l’affaire au tribunal. On obligera le mari alors à revenir. S’il refuse de le faire, on prononcera une répudiation àsa place ou procéderaàla dissolution du mariage. Voir àtoutefois utile la réponse donnée à la question n° 178188.

Deuxièmement, la dépense vitale àassurer àla femme d’un mari absent ou disparu est imputable aux biens de son mari durant toute l’absence de ce dernier, notamment durant le délai d’attente fixée par le cadi pour le retour du disparu. Si le mari a laissédes biens àla disposition de l’épouse , elle en prélève sa dépense vitale raisonnablement. S’il ne lui a rien laisséou n’a pas de biens du tout, elle porte l’affaire devant le cadi.

La sujet est controverséau sein des jurisconsultes. L’avis le plus évident est que le cadi prescrit au profit de la femme une dépense àprélever des biens du mari, s’il en a. Il peut encore l’autoriser às’endetter pour subvenir àses besoins. Quand sa mort sera constatée, les dépenses que l’épouse aura effectuées après la mort de son époux ferait partie de sa part d’héritage car le mari ne lui devait plus de prise en charge après son décès.

On lit dans l’encyclopédie juridique (50/41): «Une divergence oppose les jurisconsultes àpropos de la prescription de la dépense vitale ou d’autres dépenses assimilées àassurer àl’épouse en cas de l’absence du mari.

Les malikites, les chafiites et les hanbalites soutiennent que la prise en charge de l’épouse est une obligation du mari absent, àhonorer grâceàdes prélèvements opérés sur ses biens, disponibles sur place ou pas; que cela soit l’objet d’une ordonnance prise par le cadi àla demande de l’épouse ou pas. Cet avis repose sur ce qui a étéreçu du Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) àsavoir qu’il a dit àla femme d’Abou Soufiane: Prenez de ses biens ce dont toi et tes enfants avez raisonnablement besoin Le mari était absent alors.

Les hanafites ont émis deux avis sur la prescription d’une telle dépense sur un absent. Le premier avis est que le cadi doit prescrit la dépense au profit de l’épouse de l’absent, si elle la demande, car la privation de la dépense est imputable au mari, et elle ne doit pas empêcher l’époux de jouir de son droit. C’est le premier avis d’Abou Hanifah partagépar an-Nakhai, sur la base du hadith précédent.

Le second avis est qu’on ne lui prescrit aucune dépense même si elle le demandait et même si le cadi était au courant de l’existence du lien conjugal car la prescription d’une dépense sur un absent revient àle juger . Or , pour les hanafites, on ne prenne pas un jugement contre un absent àmoins qu’il ne soit représentéàl’audience. Ce qui n’est pas le cas ici. Voilàl’avis d’Abou Hanifah et de Chourayh.

Tout ce qui vient d’être dit s’applique au mari absent qui ne laisse pas de biens disponibles sur place. Car s’il laissait des biens, ou bien ils sont entre les mains de son épouse ou bien entre les mains d’une autre personne. Dans le premier cas, s’il s’agit de fonds utilisables pour assurer la prise en charge de l’épouse, celle-ci peut les utiliser àcet effet sans avoir besoin de l’autorisation du cadi, compte tenu du hadith de la femme d’Abou Soufiane déjàcité. Dans le second cas, si les fonds sont utilisables pour assurer la prise en charge vitale de l’épouse, une divergence oppose les hanafites sur possibilitépour l’épouse disposant d’une ordonnance délivrée par le cadi, de prélever sa dépense vitale des biens de son mari détenus par d’autres, soit au titre de dépôt ou de crédit. Leur divergence a donnélieu àdeux avis:

Ibn Noujaym dit: Si le mari ne disposait d’aucun bien et si l’épouse demandait au cadi de lui prescrire une dépense, nous pensons , quant ànous, que la preuve fournie par l’épouse serait irrecevable car elle vise àfaire juger un absent. Pour Zoufar, la preuve serait recevable. Sans se prononcerait pas sur la validitédu lien de mariage, on lui accorderait une dépense àprélever sur les biens du mari. Si celui-ci ne dispose pas de biens, le cadi autorise l’épouse às’endetter. Si le mari revient et confirme le lien conjugal, le cadi lui ordonne de payer les dettes. 

Pour Ibn Qoudamah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde):  Si l’épouse prélève sa dépense vitale des biens de son mai absent et découvre ensuite, avant la consommation totale des biens prélevés que le mari était décédé, on déduit la partie consommée de sa part de la succession.Peu importe que le prélèvement des biens soit décidépar elle-même ou ordonnépar le cadi. C’est aussi l’avis d’about Aliya, de Muhammad ibn Sirine, de Chafii et d’Ibn al-Moundhir. Je ne sache pas que d’autres les aient contredit. L’intéressée aurait fait une dépense indue. S’il lui reste des biens, ils lui reviennent. S’il y a un surplus alors qu’elle avait sur son mari un reliquat de dot ou une dette, on les déduit du surplus. Si rien de tout cela n’existe, elle fait du surplus une dette pour elle. Allah le sait mieux. Extrait d’al-Moughni,8/208.

En somme, on doit se référer au cadi pour se prononcer sur le cas du mari disparu ou absent sans laisser des biens àla disposition de son épouse. Le cadi peut, soit lui prescrire une dépense , soit l’autoriser  às’endetter. Toutefois, l’épouse concernée ne pourrait se remarier qu’une fois le divorce prononcépar le cadi ou que le décès du disparu jugéet que l’épouse ait observéle délai de viduitérequis.

Quand le cas se présente dans un Etat non islamique, en l’absence d’une juridiction religieuse, les centres islamiques tiennent lieu d’une telle juridiction. On peut leur présenter le cas et ils doivent l’examiner. Le jugement qu’ils prennent est comme celui émis par un cadi. Il faudra ensuit s’adresser aux tribunaux locaux pour se faire délivrer les papiers officiels et pas pour un nouveau jugement. Ceci est déjàexpliquédans la réponse donnée à la question n° 194467.

Allah le sait mieux.

Source: Islam Q&A